Only One - Alisen : Chapitre 1

02/11/2013 09:45

Cela fait des mois que j’en rêve. Toutes les nuits je revois les images de ces enfants massacrés en direct, tués sans pitiés par d’autres enfants du même âge. Mais celles qui reviennent le plus sont celles d’il y a deux ans. Celles d’une petite fille de 10 ans.

Elle était de ma ville et quand elle fut désignée pour les jeux, personne n’avait plus d’espoir pour elle. Tout le monde faisait déjà ses condoléances à la famille. Tout le monde pensait que la mère allait se suicider après ça, en laissant derrière elle deux autres enfants qui eux aussi, avaient participé au tirage au sort. Personne ne croyait en cette jeune demoiselle. Personne n’espérait pour la petite Emily

Mais moi si.

Lors du Tri, c’est ainsi que nous appelons la première partie des jeux qui consiste à réduire l’effectif des participants, Emily s’était révélée l’une des plus dangereuse. Elle n’était pas spécialement forte, mais malgré son très jeune âge, son cerveau était actif en continu. Elle supprima neuf adversaires à elle seule et en un temps record. Elle tuait rapidement et efficacement, sans se mettre de sang sur les mains. Elle survécu au Tri. Puis à la première vague également.

Arrivée à la deuxième vague, on lui dit qu’elle participerait aux premiers combats. Là, elle se retrouva face à un homme de 23 ans, deux fois plus grand qu’elle et trois fois plus lourd. Il était réputé pour être violent et rapide. Lors du Tri il en avait tué de sang-froid 10.  Et tout espoir s’évanoui. Même pour moi.

Ce ne fut donc pas une surprise lorsque nous vîmes le jeune homme se précipiter dessus comme un prédateur sur sa proie, un parpaing à la main. Le combat fut bref et l’issue évidente. Le garçon fut le vainqueur de cette année-la. Emily était restée étendue sur le sol de la salle, allongée dans une mare de sang, son sang. Elle y resta presqu’une heure puis, après nettoyage du corps, elle fut envoyée à la famille pour qu’elle puisse être enterrée dignement et en toute intimité. C’était ma petite sœur.

A en croire le Secrétaire, ce serait grâce à elle que moi et mon frère avons été épargnés ces deux dernières années. Ce serait en partie grâce à elle que le problème de la surpopulation s’améliorait. Mais moi, je n’y vois qu’injustice et cruauté.

Pour nous remercier de l’avoir laissé participer et pour féliciter ma mère d’avoir donné naissance à une telle combattante, le Secrétaire nous à fait parvenir une boucle d’oreilles qu’elle portait lors de son ultime combat. D’ordinaire, quand ils envoient les corps, ils sont nus et dépourvus de toute décoration. Elle fut donc l’exception à la règle.

Je me déshabille et fait couler l’eau du bain. Je n’attends pas que ce dernier soit remplit pour y rentrer, et je plonge mon visage dans le peu d’eau qu’il y a au fond de la baignoire. Seul mon front est mouillé, mais je sens l’eau monter. Je reste donc dans cette position fœtal jusqu’à l’immersion totale de ma tête.

Je ne bouge plus et je sens mon sang battre à mes tempes. Il est temps de sortir la tête de l’eau et de respire un coup si je ne veux pas m’évanouir et raté la cérémonie.

Car aujourd’hui nous sommes le 23 juillet, et cette année c’est notre tour à moi et à Clayton. Les jeux nous attendent après deux ans d’absence et je compte bien ne pas arriver en retard au tirage au sort.

L’eau arrive à hauteur de ma poitrine avant que je ne m’en rende compte. Je me précipite sur le robinet et le ferme d’un coup de poing rageur. Malheureusement,  il semble que je me sois sous-estimée car la mollette se casse et tombe avec grand bruit sur le sol en carrelage de la salle de bain. J’étouffe un juron en m’enfonce dans l’eau qui m’arrive à présent sous le nez. Je ferme les yeux et tente de penser à autre chose, qu’à ce qui m’attend dans quelques minutes.

Je commence enfin à me calmer et à me faire une raison quand des coups à la porte me font sursauter.

-            Alisen, dépêche-toi ! crie mon frère en martelant de ses poings la porte de la salle de bain. On va être en retard, fais vite !

Clayton. Mon grand frère de …… ans mon ainé.

Je soupire et lève les yeux au ciel.

-          J’arrive, répond-je. Laisse-moi dix minutes.

-            On ne les a pas tes dix minutes ! dit mon frère exaspéré. Accélère on va être en retard, bordel.

Je lui réponds que je vais me dépêcher et sort de l’eau en ronchonnant. Je me sèche les cheveux en deux-deux, m’habille rapidement et évite avec soin le miroir de peur de voir des milliers de défauts à masquer pour la cérémonie. En ouvrant la porte je manque d’assommer Clay.

-            Tout de même ! dit-il en esquivant la porte avec un sourire. Prête pour le grand jour ? Tu t’es fait belle on dirait.

-            Très drôle, Clay. Vraiment hilarant, dis-je froidement. Si j’étais je changerais de chemise. Si tu es désigné tu ne feras pas une bonne impression avec ce déchet sur les épaules.

-            Une bonne impression… Ca veut dire quoi, une bonne impression ? Tu crois que tes chances de gagner varient en fonction de comment t’es fringué ? Emily était magnifique lors de sa désignation. Et tu vois bien comment ça a fini…

Je ne trouve rien à répondre. Clay à raison, bien sûr, mais je préfèrerais mourir bien habillée que fringuée comme un sac, et il le sait. Depuis la mort de notre petite sœur, j’ai remarqué qu’il n’accorde plus autant d’importance à son physique. Mais cela ne l’empêche pas pour autant d’être la cible de quasiment toutes les filles du lycée. Après tout, Clayton reste Clayton et draguer lui est aussi naturel, et je dirais même aussi vitale, que respirer. Qu’importe la façon dont il est habillé. Un bel homme le reste même si il porte un sac poubelle en guise de robe et une peau de banane comme chapeau.

Une sonnerie me sort de mes rêveries. C’est le signal pour indiquer que la cérémonie à commencer. Je tire mon frère par la manche et je nous sors dehors. Tant pis pour la bonne impression. Arriver à l’heure, c’est bien plus important, même si je sens que pour cette fois-ci c’est raté.

Nous dévalons la colline à toute allure et je faillis ne pas remarquer ma mère. Elle est assise sur l’herbe, les jambes étendue devant elle et elle a une marguerite à la main. Ses yeux bleus sont brouillés de larmes et son regard est fixé dans le vague. Elle ne semble pas nous avoir remarqués. Je me stoppe net et attends que Clay me rejoigne. Lui aussi l’a remarqué. Lui aussi à comprit que ma mère faisait exprès de ne pas nous voir. Mais nous ne pouvons pas lui en vouloir. Elle a déjà perdu un enfant il y a deux ans, et aujourd’hui elle risque d’en perdre un deuxième. Chacun à sa façon d’extérioriser. Ma mère à choisi le silence et l’isolement.

Je détourne le regard de me mère et poursuis la descente en essayant de ne pas regarder derrière moi pour ne pas devoir affronter le regard sans vie de ma mère. Bien sûr si l’on revient de la cérémonie, tout redeviendra comme avant. Mais dans le doute elle préfère nous ignorer. Moi aussi d’ailleurs, je marche comme ça. Mais mon frère est différent.

Je parcours une dizaine de mètres, consciente que Clayton ne suit pas. Je me retourne en évitant de regarder ma mère et mon frère est là, debout devant cette pauvre femme désespérée qui essaye du mieux qu’elle peut d’éviter le regard de son fils. Il a les poings crispés, les mâchoires serrées à s’en faire grincer les dents, et les épaules tendues. Je l’appelle mais il ne semble, ou ne veut pas, m’entendre. Je retourne donc sur mes pas, lui desserre le poing et lui prends la main. Je le tire mais ses pieds sont fermement accrochés au sol.

-          Clay, je murmure, on est en retard. Allez…

Mon frère décide enfin de détacher son regard remplit de rancœur de ma mère et il me suit. Avec un peu d’aide, il parvient aux pieds de la colline rapidement. Je ne lui lâche pas la main de peur qu’il fasse demi-tour et rejoigne ma mère, et l’entraîne sur le chemin qui mène à la salle où le tirage au sort à lieu.

Je regarde ma montre. Nous avons déjà cinq minutes de retard et cela semble bien être le cadet de nos soucis.

Nous arrivons devant le grand gymnase. Instinctivement, nous nous arrêtons. Clayton me presse la main pour me dire de ne pas avoir peur, que tout ira bien et que finalement, nous ne sommes peut-être pas les derniers. Je le regarde l’air de dire « Tu te fous de moi, là ? ». Il sourit car lui aussi sait pertinemment que, oui nous sommes bien les derniers. Mais ce n’est pas grave.

Nous respirons un grand coup, et ensemble nous entrons. Lorsque que nous pénétrons à l’intérieur, un silence de mort règne et tous les visages sont tournés vers nous.

Clayton se redresse dans un air de défi mais l’arrivée du maire dans notre direction lui fait redescendre les épaules. Je peux lire sur son visage une extrême souffrance. Son fils a-t-il été choisi ? Puis avant que ne cherche la réponse, un cri de douleur brise le silence. Dans les gradins, une femme dévale les marches et cours à notre rencontre. Quand elle arrive à notre hauteur, le maire nous prend tous les deux la main et nous regarde droit dans les yeux. La femme se jette sur Clayton et fond en larme dans ses bras. Il me regarde, effrayé et ne sachant comment réagir. Puis la femme lève son regard et oblige mon frère à la regarder dans les yeux.

-          Je suis désolée… Vraiment. Si désolée…

Un garde la prend et l’oblige à aller plus loin. Elle se débat et crie mais elle obéit et retourne dans les gradins. Son regard larmoyant ne nous quitte pas.

Le maire, qui nous tient toujours la main, nous force à avancer vers l’estrade. Mon frère et moi nous regardons, complètement perdus. Que sommes-nous censés faire ? Puis il nous fait gravir les marches et nous fait signe de nous placés devant le bureau de tirage. Bizarre… Est-ce la punition des retardataires de tirer au sort les participants ? Hum, pas si sûr. Car quand j’arrive devant le meuble, je remarque les noms déjà désignés. Mon frère semble les avoir remarqué depuis plus longtemps car lui aussi fixe le panneau et des larmes coulent le long de ses joues. Il a reconnu un nom. Je fixe le panneau à mon tour.

Oui. Moi aussi j’ai reconnu un nom. Deux, en fait.

Clayton et Alisen Rosendra.

Je ne vois rien d’autre que nos deux noms flotter devant mes yeux. Je ne sais même pas qui les autres sont. Je n’en ai pas le temps car je m’évanoui presqu’aussitôt.