Only One - Alisen : Chapitre 1 (nouvelle publication)

02/11/2013 10:04

 

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Nouvelle publication.

 

Cela fait des semaines que j’en rêve. Toutes les nuits je revois les images de ces enfants massacrés en direct, tués sans pitié par d’autres enfants. Mais les images qui reviennent le plus sont celles d’il y a deux ans. Celles d’une petite fille de 10 ans.

Quand elle fut tirée au sort pour participer à Only One, personne n’avait plus d’espoir pour elle. Tout le monde faisait déjà ses condoléances à la famille. Tout le monde pensait que la mère allait se suicider après la perte de sa plus jeune fille, laissant derrière elle ses deux plus grands enfants qui avaient échappé pour cette année à la mort. Personne ne croyait en cette petite fille. Personne n’espérait pour la petite Emily.

Personne sauf moi.

Lors du Tri, la partie du massacre général pour restreinte le nombre de participants, Emily s’était révélée l’une des plus dangereuses. Elle n’était pas spécialement forte, mais malgré son très jeune âge, son cerveau tournait en continu. Elle supprima neuf adversaires et se cacha le temps qu’ils ne soient plus que dix en tout. Aucune des victimes ne l’avaient entendu venir. Elle tuait rapidement, efficacement. Elle survécu donc au Tri. Puis à la première vague également.

Arrivée à la deuxième vague, on lui dit qu’elle participerait aux premiers combats. Là, elle se retrouva face à un homme de 23 ans, deux fois plus grand qu’elle et trois fois plus fort. Et tout espoir s’évanouit. Même pour moi.

Ce ne fut donc pas une surprise lorsque le jeune homme se précipita sur elle comme un prédateur sur sa proie, un  parpaing à la main. Le combat fut bref. Le garçon fut le vainqueur de cette année-là.

Emily était restée étendue sur le sol de la salle modelable presqu’une demie heure, les caméras n’arrêtant pas de la filmer, allongée dans une mare de sang. Son sang. L’autre n’avait pratiquement rien subit. Puis on emporta son corps loin des caméras. Elle fut nettoyée et son corps fut envoyé à sa famille afin qu’il puisse l’enterrer et faire leur deuil en toute intimité. C’était ma petite sœur.

A en croire le Secrétaire, ce serait grâce à sa mort que mon frère et moi avions été épargnés ces deux dernières années. Ce serait en partie grâce à elle que le problème de la surpopulation s’améliorait. Ma sœur avait eu « le mérite de faire partie des quinze millions enfants morts depuis le début de Only One ».

Je me déshabille et fait couler l’eau du bain. Je n’attends pas que ce dernier soit rempli pour y entrer et plonge mon visage dans le peu d’eau qu’il y a au fond. Seul mon front est mouillé mais je sens l’eau monter progressivement. Je reste donc à genoux dans la baignoire, en position de l’autruche, jusqu’à l’immersion totale de ma tête.

Je ne bouge pas et je sens le sang battre à mes tempes. Avec un soupir qui ne créé que des bulles, je sorts la tête de l’eau et m’assoie correctement dans la baignoire. Ce serait dommage de m’évanouir et rater la cérémonie.

Car aujourd’hui nous sommes le 23 juillet 2061 et cette année, moi et mon frère, Clayton, sommes à nouveau éligibles. La mort nous attend après deux ans d’absence.

L’eau m’arrive à hauteur de poitrine avant que je ne m’en rende compte. Je me précipite sur le robinet flottant et le ferme d’un coup de poing rageur. Ma main passe en travers de l’hologramme et je peste. Je m’y reprends plus doucement et cette fois le robinet est palpable. J’arrête l’eau et m’enfonce dans le bain qui m’arrive alors sous le nez. Je ferme les yeux et essaye de ne pas penser à ce qui va se passer dans quelques minutes.

Je commence enfin à me calmer quand des coups à la porte me font sursauter.

-            Alisen, dépêches-toi ! crie mon frère en martelant de ses poings la porte de la salle de bain. On va être en retard, fais vite !

Je soupire et lève les yeux aux ciels.

-            J’arrive, Clay ! je réponds en me redressant. Laisses moi cinq minutes.

-            On ne les a pas tes cinq minutes ! dit mon aîné de 19 ans, exaspéré. Accélère, on va être en retard bordel.

Je lui réponds que je vais me dépêcher et sorts de l’eau en ronchonnant. Je sèche mes cheveux blonds en deux-deux, m’habille rapidement et évite avec soin le miroir, de peur de remarquer un millier de défauts à masquer pour la cérémonie. En ouvrant la porte je manque d’assommer Clay.

-            Tout de même ! dit-il en esquivant la porte, une grimace sur le visage. Tu t’es fais belle ?

-            Si j’étais toi je changerais de chemise. Si tu es désigné tu ne feras pas une très bonne impression avec ça sur les épaules.

-            Je ne crois pas que cela influe sur tes chances de gagner, Ali. Emily était…

Il ne parvient pas à finir sa phrase, l’émotion lui nouant la gorge. Je ne trouve rien à répondre. Clay à raison. Peu importe les fringues. Seule la chance et l’expérience peuvent nous sauver.

J’avais quinze ans quand notre petite sœur s’est fait tuer. Depuis ce jour, mon frère a perdu toute joie de vivre.Blond comme moi, ses yeux bleus, si propices aux sourires autrefois, sont devenus froids et empli de chagrin en l’espace des deux dernières années écoulées. Mais le changement a affecté l’ensemble de la personnalité et de l’apparence de mon frère. Il s’est énormément renfermé, et a abandonné son caractère sociable et insouciant pour devenir beaucoup plus proche de l’adulte qu’il aurait dû devenir dans quelques années. Il s’était épaissi, avait pris en muscles, en faisant du sport son refuge et en perdant son légendaire appétit. Et il m’arrivait parfois en le regardant, de ne plus reconnaître mon frère.

Une sonnerie me sort de mes rêveries. C’est l’alarme qui indique que la cérémonie a commencé. Je tire mon grand frère par la manche et nous sorts dehors. Tant pis pour la bonne impression.

Nous dévalons la colline qui surplombe la ville et je faillis ne pas remarquer ma mère. Elle est assise sur l’herbe, les jambes étendues devant elle et elle a une marguerite à la main. Ses yeux bleus sont brouillés de larmes et son regard perdu dans le vague. Elle n’assistera pas à la cérémonie. Je me stoppe net et mon frère fait de même. Lui aussi la regarde. Lui aussi a comprit qu’elle ne nous regardera pas partir vers la salle du tirage. Qu’elle fait exprès de ne pas nous regarder en ce moment même. Quand Emily a été enterrée, ma mère avait recouvert sa tombe de marguerites blanches. Ma mère faisait encore son deuil et nous regarder partir de nouveau lui était trop dur.

Je détourne le regard de ma mère et poursuis la descente en essayant de ne pas regarder derrière moi pour ne pas avoir à affronter son regard triste. Le même que Clay, en y repensant.

Je parcours une dizaine de mètres, consciente que mon grand frère ne me suit pas. Je le retourne et mon frère est là où je l’ai laissé, debout devant cette pauvre femme qui essaye d’éviter de toutes ses forces le regard de son plus grand fils. Il a les poings serrés, les mâchoires crispées à s’en faire grincer les dents, et les épaules tendues. Il domine ma mère du haut de son mètre quatre-vingt-cinq. Et me domine surtout moi qui ne mesure qu’à peine un mètre soixante.

Je l’appelle mais il ne réagit pas. Je retourne donc sur mes pas, lui desserre les poings et lui prends la main. Je le tire mais ses pieds sont fermement plantés dans le sol.

-          Clay, je murmure. On est en retard. Allez,…

Il détache enfin son regard  rempli de rancœur de ma mère et me suit. Je ne lui lâche pas la main de peur qu’il fasse demi-tour et rejoigne ma mère, et l’entraîne sur la route qui mène au tirage au sort.

Je regarde ma chronoplaque. Nous avons déjà cinq minutes de retard.

Nous arrivons devant le grand gymnase et nous nous arrêtons instinctivement. Clayton me presse la main pour nous redonner du courage. Nous respirons un grand coup et ensemble nous entrons. Lorsque nous pénétrons à l’intérieur, un silence de mort règne et tous les visages sont tournés vers nous.

Clay bombe le torse mais l’arrivée du maire dans notre direction lui fait perdre toute assurance. Je peux lire sur son visage une extrême souffrance. Son fils a-t-il été choisi ? Puis avant que je ne cherche la réponse, un hurlement de chagrin brise le silence. Dans les gradins, une femme dévale les marches et cours à la rencontre de mon frère. La femme se jette sur Clayton, et je réalise qu’elle est son ancienne institutrice. Elle fond en larmes dans ses bras et lève son regard dévasté jusqu’aux yeux bleus de mon frère.

-          Je suis désolée ! Vraiment, si désolée !

Un garde s’empare d’elle et l’oblige à rejoindre son siège. Elle se débat et crie mais retourne finalement dans les gradins. Son regard larmoyant ne quitte pas Clayton.

Soudainement prise de panique je regarde mon frère en refoulant mes larmes. Son visage est décomposé. Son regard est posé sur quelque chose au fond de la salle, juste au dessus de bureau de tirage. L’écran où s’affichent les noms des candidats.

En début de colonne, le nom de mon frère reste allumé, attendant sa signature. Mais ce qui fait rater un battement à mon cœur, c’est le deuxième nom encore allumé, presqu’en fin de liste : Alisen Rosendra.

Je ne vois rien d’autre que nos deux noms flotter devant mes yeux. Je ne sais même pas qui sont les autres. Je n’en ai pas le temps car je m’évanoui presqu’aussitôt.

 

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