Chapitre 4
La pièce était envahie des nuages de vapeur. Kayla en avait les cheveux qui collaient au visage. Elle se battait avec un torchon qui refusait de rester plié et ses cheveux dégoulinant n’arrangeaient rien. Elle finit par laisser tomber et fourra le torchon en dessous de tous les autres dans l’espoir que personne ne remarquera rien et rejoignit Meaden occupée à laver les chaussures de Keeghan.
- Qui aurait cru qu’une chaussure pouvait contenir une telle quantité de boue…
- Vous pensez quoi de son histoire ?
- De quoi parles-tu, ma fille ?
- Je veux dire que ça me parait louche tout ça… un roi mage qui débarque à Astrael… et puis ces deux hommes, Claudio et Spartan ! De véritables géants ! Je ne sais pas… j’ai comme l’impression qu’il nous cache des choses.
- Il a bien le droit. Après ce que tu viens de lui infliger il peut bien se réserver. Et puis ce n’est pas toi qu’il est venu voir, mais ton père. Alors je pense que c’est tout à fait normal qu’il ne te dise rien. Penses également que pour le moment il a sûrement d’autres chats à fouetter. Il a une vilaine infection qui risque de très mal tourner et plusieurs côtes cassées. Soigne-le et emmène-le à ton père. Tu aviseras après.
Kayla retournait toutes ces possibilités dans sa tête. Après tout, Meaden avait raison. C’était Elios que le mage était venu voir, et apparemment sa venue était attendue donc il n’y avait rien de suspect dans tout ça. Mais les deux trolls de tout à l’heure mettaient mal à l’aise la jeune fille et Keeghan ne leur avait-il pas dit de l’attendre quelque part ?
Ses inquiétudes n’étaient certainement pas fondées mais elle s’inquiétait tout de même.
La vieille femme lui tendit une chaussure propre et lui fourra dans les mains.
- Tient. Va lui donner ça.
Kayla acquiesça et posa le soulier devant la grande bassine en bois dans laquelle était Keeghan. Le jeune homme se retourna en l’entendant s’approcher et Kayla dû faire appelle à toute sa force mentale pour ne pas repenser à lui, nu. Elle s’était promit de ne pas regarder mais elle avait été contrainte lorsqu’elle dû détacher un système complexe de nœuds au niveau de l’entrejambe. Depuis elle évitait soigneusement d’y repenser. Mais l’eau ne lui arrivait qu’à peine au nombril et l’imagination ne pouvait que tourner à cent à l’heure.
Elle détourna le regard de celui du mage et s’essuya les mains sur le tablier qu’elle avait enfilé.
- Dépêchez vous si vous voulez vous faire soigner. Sorhen est très occupé en ce moment avec tous ces cas de contamination aéroportée. Je doute fort qu’il ait plus de quinze minutes à nous accorder.
- Je sors immédiatement alors.
Kayla opina du chef et se tortilla nerveusement les doigts.
- Princesse ?
- Vous avez besoin de quelque chose ?
- Simplement que vous vous tourniez, dit-il dans un sourire.
- Oh ! Oui, je suis désolée !
- Merci.
Kayla entendit le son de l’eau qu’on agite et en déduisit qu’il devait être debout. Puis elle vit un bras passer devant elle pour prendre une serviette et la nudité de Keeghan se fit plus nette dans l’esprit de la jeune fille. Elle chassa les images et se concentra sur les ronds de vapeur au dessus du carrelage.
- Non, mais quel empoté ! s’exclama Meaden. Veux-tu aider ce garçon, Kayla ?! Il va détruite le bac s’il continue à vouloir l’enjamber de cette manière.
- Pas la peine, j’y suis !
En effet, Keeghan se tenait maintenant à côté de Kayla. Il ressemblait à une chenille ainsi enroulé… et les chenilles deviennent de jolis papillons une fois leurs ailes déployées. Il fallait simplement que Keeghan déploie ses bras pour… non ! C’est bon, on s’arrête là.
- Tenez, majesté. Je n’ai que ces vêtements à vous donner pour le moment, dit Meaden. Mais peut-être que si vous demandez à Aelenn de vous en faire… joli garçon comme vous êtes elle ne refusera pas j’imagine.
Quelqu'un toqua à la porte au même moment. Meaden s’empressa d’aller ouvrir et une petite tête blonde dépassa de l’entrebâillement.
- Que veux-tu mon chou ? demanda la vieille femme en s’agenouillant pour être à hauteur de l’enfant.
- Monsieur Sorhen m’envoie pour vous dire qu’il a eu vent de la venue et de l’état de Monseigneur Keeghan et qu’il fera le déplacement jusqu’au château afin de préserver les forces de Monseigneur.
- Merci, mon garçon. Tient, voilà pour toi.
Meaden mit dans les petites mains du garçon deux pièces de cuivre ainsi qu’un bâton de caramel.
- Tu te brosseras bien les dents après ça.
- Oui madame ! Merci madame !
- Sorhen t’a-t-il dit quand est-ce qu’il arriverait ? demanda Kayla.
- Non, princesse. Mais il semblait être sur le départ donc je pense qu’il ne devrait pas tarder.
- Merci petit.
Fier comme un paon, le gamin redescendit le long escalier en sautillant. Première mission, premier succès.
- Il va falloir faire vite si Sorhen se déplace, maugréa la vieille femme.
- Comment ça ? demanda Keeghan en esquissant une grimace de douleur.
- C’est un très bon guérisseur et il le sait, continua Meaden. Certes, il se déplace de son propre chef mais, je crains fort que tout retard pourrait être mal vu. Dépêchez-vous Monseigneur. Sinon vous ferrez le trajet jusqu’aux écuries.
Elle empoigna une serviette posée sur le bord du bac et la rangea en marmonnant.
- Bon guérisseur, ça oui. Mais surtout un caractère de chien.
***
Malgré les avertissements de Meaden, Kayla et Keeghan arrivèrent tout de même trop tard. Ils eurent l’occasion d’admirer le beau cheval noir de Sorhen, mais de dos.
Kayla pestait dans la salle du trône.
- Il aurait tout de même pû nous attendre !
- Tu sais comment il est, répondit Elios d’une voix lasse.
- Ce n’est pas une raison pour nous poser un lapin ! Il lui aurait fallu attendre quoi ? Deux minutes ? Cinq, grand maximum ?
- Cela ne sert à rien de t’énerver, petite sœur. Tu devrais plutôt faire préparer un cheval et partir avec Monseigneur Keeghan.
- Merci, Dayanna ! Tu es la voix de la sagesse !
- Je ne fais que t’aider !
- Non merci ! Je me débrouille très bien toute seule !
- Je vois ça !
- Je ne voudrais pas interrompre cette… discussion… mais j’ai vraiment besoin de soin, murmura Keeghan. Princesse, votre sœur a raison sur un point : faire préparer un cheval afin que nous puissions partir le plus tôt possible.
- Vous ne pourrez pas chevaucher avec vos côtes ! cria Kayla.
- Et je ne pourrais pas non plus marcher jusqu’à la ville. Le cheval reste le moyen le plus simple. A moins que vous ne proposiez ne me mettre dans une charrette.
- Voyons, Monseigneur ! s’indigna Dayanna. Un homme de votre rang ne devrait pas voyager ainsi !
- Qu’importe le moyen de transport ! hurla Kayla. Il nous faut vous soigner au plus vite, Monseigneur. Nous n’avons pas de charrette mais nous avons des chevaux et en quantité. Si vous pensez en avoir la force nous chevaucherons. La ville est à moins de dix minutes au trot.
- Ça me convient, répondit-il en hochant la tête.
- Dans ce cas… et toi là-bas ! cria la jeune femme.
Le jeune homme interpellé se retourna vers la princesse, les yeux gros comme des soucoupes.
- Qu’est-ce que tu attends ? Approche !
Le garçon, qui devait en fait avoir dans les 15 ans, avança comme à contre cœur.
- Va voir le forgeron. Dis lui que c’est…
- Sa maîtresse ? proposa Dayanna en souriant.
- La ferme ! Dit lui que c’est Lynx qui t’envoie et demande lui de faire « il saura quoi ».
- Lynx ? demanda Dayanna.
- « Il saura quoi » ? dit Elios en même temps.
- Cherchez pas, vraiment… Tu as compris ?
- Oui princesse ! Dois-je y aller de suite ?
- S’il te plait.
- Entendu.
Le messager partit presqu’en courant et faillit enfoncer une porte en passant l’entrée.
- Ma fille, que prépares-tu ? demanda le roi.
- Une partie de chasse.
- Au sens propre ou au sens figuré ?
- Père !
- Pardonne-moi ma chérie, mais ce forgeron et toi êtes très proches si on écoute ce qui se dit. Il a ton âge non ?
Cherchant désespérément à s’échapper de cet interrogatoire embarrassant, Kayla prit le poignet du roi-mage et l’entraîna en dehors de la salle du trône sans un regard en arrière. Son père se tourna vers Dayanna et murmura.
- C’est bien le forgeron qui avait rendu visite à ta sœur il y a quatre ou cinq nuits, non ?