Victor Crowe - Chapitre 1
L’ombre se mouvait dans la nuit. Les ténèbres étaient remplies du plus pur des silences. Le calme se répandait dans son corps habité par l’adrénaline, tendu telle la corde d’un arc. Sa rage s’estompait au fur et à mesure qu’elle sautait de toit en toit, et en atterrissant sur l’ultime bâtiment, son corps se figea. Elle se laissa tomber, la tête entre les mains, replia ses genoux sous son menton et se bascula d’avant en arrière pour évacuer le surplus d’énergie qui était en elle.
L’ombre resta ainsi quelques minutes. Il lui arrivait de temps en temps de pousser un gémissement, puis retombait dans le mutisme le plus complet. Son corps se détendait, et essayait d’oublier cet excès de fureur.
Puis le calme quasi-religieux qui s’était installé, fut rompu. Un cri résonna, strident et frappa le cœur de l’ombre tel un choc électrique. Elle se mit à haleter, ses lèvres se retroussèrent et dévoilèrent l’éclat agressif de ses dents blanches.
Le cri s’amplifia encore, comme les sirènes se rapprochaient.
Ses oreilles commençaient à la faire souffrir tellement le bruit était désagréable. Des lumières bleuâtres apparurent et d’autres cris retentirent. Et comme si la température avait brusquement augmenté, le sang se mit à bouillir violement dans les veines de l’ombre. Enfin, les gyrophares atteignirent le bâtiment et les sons, qui lui avaient d’abord parus incompréhensibles, prirent un sens formant des mots.
- Attrapez-le bande d’incapables ! Faut pas le laisser filer !
Dans la ruelle à ses pieds, apparurent un homme et deux policiers munis de lampe torche aveuglantes et d’armes à feu. L’homme courait, il semblait vouloir semer les deux gardiens de la paix. Il avait dans une main un revolver et dans l’autre un sac. De là où elle était, l’ombre vit que le sac était remplit de bijoux. Encore un abrutit qui s’est fait prendre, pensa-t-elle.
Le bruit si irritant de voitures de polices et de la course poursuite atteint son paroxysme et l’ombre fut de nouveau submergée par la fureur. En un battement de cœur, elle s’était mise debout et avait sauté du toit. Elle atterrit entre le voleur et ses poursuivants qui ne cessaient de lui hurler de se rendre. Elle sortit de sous sa longue cape sombre, une main noire striée de filament dorés et des griffes terminaient ses doigts fins. Une masse sombre se forma dans sa paume, entourée d’un cercle pourpre. L’air ambiant sembla devenir de plus en plus lourd et les trois hommes s’écartèrent de l’inconnu en poussant des cris.
La créature prit dans ses deux mains la boule plasmique et sembla la pétrir. Seul le bas de son visage était visible. Tout comme ses mains, il était d’un noir d’ébène et de fines rayures dorées le parcouraient. Un sourire menaçant aux lèvres, la créature se retourna vers les policiers et propulsa sa boule sur les malheureux. La masse sombre les engloutit et lorsque la matière plasmique se dissipa, il ne restait plus que des os.
Puis l’étrange individu s’élança dans les airs, si fort que lorsqu’il atterrit devant le voleur pour lui barrer le chemin, un cratère se forma à ses pies dû à l’impact. Et alors que la mort des deux policier avait été rapide, la créature voulu jouer un peu avec le brigand afin de le remercier d’avoir causé tant de désordre. En atterrissant, le monstre avait perdu son capuchon révélant ainsi une peau entièrement noire et striée de ses même fils dorés qui étaient sur ses mains et son menton. Ses yeux étaient noirs et dorés également. Sa longue chevelure brune lui descendait jusqu’à son torse et deux cornes obscures d’une complexité terrifiante se dressaient toutes droites sur le haut de son crâne.
Dévoilant ses crocs immaculés, il bondit. Et lorsque, tel une bête folle, il disparut dans la nuit, il ne restait dans la ruelle que deux squelettes calcinés et un cadavre déchiqueté et mutilé.